Les Briques Médiatrices

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Hervé Costel

Déployer la médiation dans le secteur Immobilier & Construction

Un médiateur connaisseur du milieu de la construction et des opérations immobilières disposera du langage et de la compréhension des usages du secteur.

La médiation, une démarche efficace guidée par des principes

Les principes de base de la médiation – c’est-à-dire l’indépendance, l’impartialité, la neutralité, la liberté et la confidentialité – vont conduire l’ensemble des parties à accorder leur confiance au médiateur, à oser s’exprimer et à être force de proposition.

La confidentialité va permettre à chacun des acteurs au projet d’exprimer librement ses besoins, ses craintes, ses émotions, ses aspirations. L’indépendance du médiateur – qui n’est pas tributaire des médiés sur le plan matériel, moral ou encore intellectuel – lui garantit leur confiance.

Les principes d’impartialité et de liberté sont également primordiaux. En médiation de projet, le médiateur est introduit dans le projet par une des parties prenantes, généralement par la direction ou le sponsor ou le chef de projet du donneur d’ordre. Mais il ne leur rend pas de comptes, il n’a pas à juger de la pertinence des points de vue qui sont exposés et il est libre de se retirer à tout moment.

Le médiateur est neutre. Il n’a pas besoin d’être spécifiquement compétent dans le domaine technique du projet et il n’est pas intéressé à la bonne fin du projet. A la différence d’un consultant ou d’un assistant à maitrise d’ouvrage – qui participent à la définition du projet et conseillent les parties prenantes – le médiateur évite de contribuer à la solution. Mais il veille à offrir le meilleur espace pour que les acteurs du projet – qui sont les sachants – puissent s’exprimer et imaginer leur solution.

En les laissant ainsi discuter, définir et projeter leurs propres réponses au problème, les médiés se connectent – intellectuellement et émotionnellement – entre eux et ils sont embarqués dans la réalisation des objectifs du projet. Les actions et décisions qui vont émerger de cette approche seront claires et pertinentes à leurs yeux, et elles auront ainsi plus de chances d’être menées à bon terme.

 

Encore des réticences

 Les acteurs de l’immobilier et de la construction manifestent parfois des réticences à la mise en œuvre d’une médiation, qui pourraient s’expliquer ainsi :

  • En France, dans l’inconscient populaire, un litige doit être tranché par un tiers détenteur d’une autorité, par exemple un juge ou un arbitre. La négociation et la recherche de compromis sont encore représentées comme des démarches peu valorisantes d’où personne ne ressortirait gagnant.
  • La confusion avec les autres modes alternatifs de règlement des différends (conciliation arbitrage, procédure participative) crée un certain trouble, leurs avantages et inconvénients respectifs n’étant pas toujours bien compris.
  • La médiation est le seul MARD qui fait appel à un tiers tout en impliquant les parties à la résolution de leur différend. Dès lors, certains acteurs du monde juridique comme les avocats peuvent y être réfractaires, se sentant un peu exclus alors que d’autres processus les mettent en avant.
  • L’absence de règlementation sur le statut de médiateur : le titre de « médiateur » n’est pas protégé et il abrite de nombreuses pratiques et différentes compétences. Ce qui peut générer de la méfiance sur les capacités de cet intervenant.

Ces craintes, liées à la méconnaissance de la médiation et de ses avantages, proviennent surtout d’un manque d’information sur le processus de la médiation qu’il s’agisse des avocats conseils, des juristes internes ou des magistrats.

De plus le manque de statistiques fiables, l’absence de données qualifiées permettant d’analyser et de jauger l’efficacité de la médiation créent une certaine opacité pouvant entrainer une méfiance compréhensible. Les statistiques diffusées par le Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris font néanmoins ressortir un fort taux de réussite du processus de médiation. Ces 3 dernières années le taux de réussite des médiations inter-entreprises – signifiant ici la signature d’un accord – oscille entre 66 et 72 %, pour une durée moyenne de 15h à 16h et un coût moyen oscillant entre 6.000 et 10.000 euros.

Enfin, nous mentionnerons la difficile reconnaissance des émotions dans le secteur immobilier et particulièrement celui de la construction. Evoquer ses propres émotions n’y est pas évident et reconnaître celles des autres y est encore assez peu intuitif.

 

Les facteurs d’échec et de réussite d’une médiation

Différents facteurs sont susceptibles d’entraver le bon déroulement d’une médiation :

  • Un défaut d’indépendance, de compétence et/ou de formation du médiateur ;
  • Une entrée en processus de médiation non désirée par les médiés ;
  • L’attitude dilatoire d’une partie. La médiation étant parfois utilisée à mauvais escient pour gagner du temps, obtenir des informations, pour ensuite faire pression sur l’adversaire.
  • L’impréparation des parties : pas de preuves, demandes excessives ou non rationnelles, manque d’analyse de leur batna (best alternative to a negotiated agreement, ou meilleure solution de rechange en cas d’échec de la négociation) ;
  • Le défaut de mandat des présents ;
  • Une attitude contentieuse des avocats ;

A contrario, les principales conditions de réussite d’une médiation seraient :

  • La bonne foi des parties ;
  • La nécessité d’identifier rapidement les bons interlocuteurs chez les médiés pour éviter que les échanges soient empêchés par l’absence des personnes connaissant les faits du dossier ou des vrais décisionnaires ;
  • Le respect de la confidentialité :
    • Un principe essentiel si ce n’est la raison d’être de la médiation.
    • C’est une ressource, une protection qui permet de libérer la parole et préserve la réputation des parties.

 

Les compétences du médiateur

Bien évidemment, une formation, reconnue et qualifiante, est nécessaire. Tout médiateur doit maîtriser le processus de la médiation afin d’être en mesure de le contrôler et d’en garantir le respect. Aujourd’hui l’activité de médiateur n’est pas encore réglementée et aucun diplôme n’est obligatoire pour l’exercer. Pour répondre à ce besoin, la profession se structure. Plusieurs organismes de formation réputés proposent des enseignements variés en termes de contenus et de durées et ils délivrent des diplômes ou certificats de médiateur.

Un médiateur se doit également de posséder des qualités personnelles indispensables, qualifiées de « soft skills » ou « savoir-être », qui inspirent confiance aux médiés : crédibilité, diligence, efficacité, équité, créativité, patience, optimisme. Et bien sûr une déontologie qui lui permettra de garantir son indépendance, son impartialité et sa neutralité. En plus de savoir pratiquer l’écoute active, la reformulation et le questionnement, le médiateur saura utiliser des méthodes spécifiques telles que la communication non violente, la programmation neurolinguistique, l’analyse transactionnelle, les processus collaboratifs, la négociation raisonnée, l’approche systémique, etc.

La connaissance du secteur

Le secteur de l’immobilier et de la construction est complexe, avec une multitude d’intervenants ayant des besoins et des attentes divers. C’est aussi un monde technique et réglementé dans lequel les médiateurs non sachant en matière de construction ou d’immobilier peuvent donner aux médiés l’impression d’être peu ou mal compris.

Un médiateur connaisseur du milieu de la construction et des opérations immobilières disposera du langage et de la compréhension des usages du secteur. Grâce à ses expériences professionnelles, il sera mieux capable de comprendre d’emblée les termes utilisés, le positionnement des intervenants, les enjeux d’un conflit et les non-dits, et de poser les bonnes questions. Tout en étant vigilant afin de ne pas être tenté d’orienter les médiés vers la solution qui lui paraîtrait la mieux adaptée ou la plus pertinente de son point de vue, le médiateur expérimenté dans le secteur saura mieux déceler les problématiques naissantes ou à venir, les points bloquants qui n’auraient pas été clairement évoqués. Cela fera gagner du temps à tous, lui permettra de nouer une relation de confiance avec les médiés et de les rassurer, de s’assurer de la bonne marche du processus, lui donnant ainsi les meilleures chances de réussite.

Hervé Costel